[Tribune originellement parue dans News Tank le 27/11/2020]
Le lien entre la science et la société est devenu depuis quelques années une question importante de la communauté ESR (Enseignement Supérieur et Recherche). Dans toutes les disciplines, en particulier dans les sciences humaines et sociales, cette question trouve des relais au sein des directions de la communication, dans les directions de la recherche et/ou de la valorisation, ou auprès des enseignants-chercheurs (h/f) eux-mêmes. A l’heure des grandes décisions sur l’avenir du financement de la recherche en France ou sur le rôle du Conseil National des Universités, il nous semble plus utile que jamais de prendre position dans le débat qui anime, sur ce sujet particulier comme sur d’autres, les partisans des logiques de compétition, les partisans de la coopération, et celles et ceux qui militent pour la « coopétition ». Si le niveau d’incertitude semble ne jamais avoir été collectivement si important, il est peut-être temps de relever un véritable défi, celui de la mutualisation.
La culture de l’évaluation par les pairs
L’ESR est souvent malmené, tout comme il est incompris. La nature et les méthodes de la recherche, dont les piliers sont la recherche de la vérité scientifiquement démontrable et l’évaluation par les pairs, ne sont pas les plus répandues dans le fonctionnement de notre société. On n’imagine pas un directeur marketing de Coca Cola évalué par la directrice marketing de Pepsi ou de Danone, pour savoir s’il mérite ou non une augmentation de salaire ou un passage au “grade supérieur”. L’esprit de compétition qui prédomine dans ces organisations et la conviction idéologique que c’est de la compétition que naît le progrès, et non de la coopération, y rend ce mode de fonctionnement absolument illusoire. Pourtant dans le monde universitaire, en particulier au CNU, c’est bien ce qui se passe et ce qui explique en bonne partie que la recherche française, malgré ses faibles moyens, accomplit des miracles de performance.
La culture de l’évaluation par les pairs irrigue non seulement les laboratoires et les centres de recherche des universités et des grandes écoles, mais également leurs départements administratifs, leurs fonctions support. Les départements communication en sont un exemple. Ainsi l’ARCES, association des responsables communication de l’enseignement supérieur et de la recherche, a décerné il y a quelques jours ses prix de la communication 2020 selon cette même logique.
Cette approche est l’ADN de l’enseignement supérieur et de la recherche et nous pouvons en être fiers, car elle est gage d’excellence, d’ouverture et de respect de l’intelligence et des accomplissements. Elle nous permet de dépasser d’autres logiques, qui vont souvent moins dans le sens de l’intérêt général, mais qui peuvent pourtant parfois guider nos décisions.
A l’heure des grandes décisions sur l’avenir du financement de la recherche, il nous semble utile de prendre position dans le débat entre les partisans de la compétition, de la coopération, ou de la « coopétition »
Le combat commun : valoriser les expert·es de l’ESR
« Pour que le mal triomphe seule suffit l’inaction des hommes de bien » aurait dit le philosophe Edmund Burke. Deux siècles plus tard, à l’ère de l’infobésité, des fake news, des réseaux sociaux digitaux et de leurs algorithmes obscurs, cette phrase pourrait sans doute être réécrite ainsi : « pour que la désinformation triomphe, il suffit que les hommes et les femmes qui savent ne disent rien ». Ou qu’on les ignore.
Dans ce combat pour une meilleure compréhension du monde, les scientifiques ont évidemment un rôle à jouer. Leur objectif commun, qui est aussi celui de celles et ceux qui les accompagnent dans la diffusion de la connaissance qu’ils/elles produisent, est également un devoir. Le devoir de rappeler, toujours et inlassablement, que leur expertise est nourrie par la recherche, c’est-à-dire par des méthodologies et des protocoles extrêmement rigoureux et exigeants. Le devoir ensuite de ne pas se laisser dépasser par les autres expert·es, non scientifiques. Car ces experts, bien que souvent légitimes, ne sont d’abord reconnus que parce qu’ils affirment leur expertise de manière suffisamment audible, et ne sont visibles que parce qu’ils font suffisamment d’efforts pour être disponibles pour les médias. Ils respectent les contraintes essentielles des journalistes : la réactivité aux sollicitations médiatiques, et la confiance en la capacité du/de la journaliste à écrire ce qu’il/elle a compris, quand bien même il/elle n’est pas nécessairement spécialiste du sujet en question. Evidemment on ne peut pas attendre d’une personne dont son employeur exige la production de plusieurs articles par semaine, et sur des sujets variés, qu’elle ait le même niveau d’expertise qu’une personne qui y travaille toute l’année, et de qui l’on attend une productivité toute autre, qualitativement et quantitativement. Les journalistes sont animés par le même désir de vérité que les scientifiques, mais ils ont des contraintes professionnelles différentes car ils doivent composer avec la nécessité impérieuse d’être lus par une audience suffisamment large pour rendre leur média viable. Cela tombe bien, c’est justement pour cette capacité à toucher une large audience que les scientifiques cherchent à attirer leur attention !
La communauté des communicants et des chargés de relations presse de l’ESR ont la capacité de jouer ce rôle d’interface entre les médias et les scientifiques, de travailler main dans la main dans une logique de « coopétition », au bénéfice de tous.
2021 sera-t-elle l’année où les relations presse de l’ESR feront leur révolution numérique ?
La communication en première ligne pour participer à l’effort commun
Comme souvent en situation de crise et de tensions budgétaires, c’est le budget de la com’ qui s’apprête à « trinquer ». Il va donc falloir à nouveau que les responsables communication fassent preuve de résilience, montrent leur capacité d’adaptation pour, si ce n’est faire mieux avec moins, essayer a minima de maintenir un niveau de service équivalent. Le challenge est particulièrement difficile à relever car si la plupart des missions traditionnellement attribuées aux services communication sont maintenues, on leur en demande désormais au moins une autre : accompagner la valorisation médiatique de leurs expert·es scientifiques. Bonne nouvelle, une voie n’avait jusqu’à présent pas été explorée, celle de la mutualisation autour d’un outil numérique commun.
Les relations presse et la communication scientifique n’ont en 2020 pas encore fait leur révolution numérique. Les premières sont restées à un état « artisanal », parfois heureusement dans le plus noble sens du terme. La seconde, axe tout juste émergeant de la communication de l’ESR, doit composer avec les outils et les moyens numériques qui lui sont mis à disposition par son établissement : des annuaires de la faculté souvent non fonctionnels, des CVthèques pas à jour, une absence parfois totale de prise en compte de l’expérience utilisateur dans le design des solutions numériques sensées pourtant être les « vitrines » de l’excellence de leur institution.
Face à l’éclatement des experts académiques sur l’ensemble des sites web des institutions de l’enseignement supérieur et de la recherche, il est temps de proposer une solution numérique adaptée à tous les enseignants-chercheurs (h/f), communicant·es et chargé·es de relations presse de l’ESR qui estiment que c’est en coopérant qu’ils rendront le collectif ESR plus fort. Il est temps de proposer une porte d’entrée commune à tous les journalistes qui recherchent des expert·es académiques; il est temps de leur proposer une solution pensée avec eux et pour eux. Les enseignants-chercheurs et leurs établissements méritent mieux que de figurer aléatoirement dans les résultats de recherche Google. Reconnaître que les experts académiques sont effectivement en compétition avec d’autres experts n’est pas une faiblesse, c’est une opportunité formidable de démontrer que la culture de la coopétition, qui fait la fierté de l’ESR, peut nous mener beaucoup plus loin.
Acad·Experts est une plateforme associative de mutualisation des efforts de valorisation médiatique des enseignants-chercheurs. Conçue avec et pour les journalistes et les enseignants-chercheurs (h/f), elle permet grâce à un moteur de recherche par expertises, d’identifier et de contacter en seulement 3 clics un·e expert·e scientifique qualifié·e. Acad·Experts propose aux institutions de l’ESR qui le souhaitent de mutualiser leurs forces pour, collectivement, servir la diffusion de la connaissance scientifique, et à travers elle, toute la société.